Deux sessions plénières ont réuni 13 intervenants aux profils divers pour un large panorama sur la résilience alimentaire avec un focus sur l’actualité. Neuf ateliers ont ensuite permis de se réunir autour de thématiques spécifiques : le rôle de la restauration publique, l’agriculture urbaine, les initiatives citoyennes, la production agricole, la gestion de l’eau, la vision à long terme de la résilience, le transport de marchandises à la voile, la souveraineté médicinale et les enjeux autour du foncier et du renouvellement des générations en agriculture.
Présentation des situations locales et échange entre villes
La plénière introductive était consacrée à un échange entre les différentes villes et territoires initialement impliqués dans le forum. Chaque territoire a eu l’occasion de présenter sa situation et ses questions au regard de la résilience alimentaire au cours d’un échange mené par visioconférence.
La diversité des approches de la résilience liés à la situation locale ainsi que la diversité des acteurs a été mise en évidence par Éric Tiemtoré, Président du Conseil Régional du Centre du Burkina Faso. Cette région est le partenaire de coopération décentralisée de la Région Bretagne.
Plusieurs territoires bretons sont venus décrire le contexte et les enjeux : Claire Masson, maire de la ville d’Auray; Nathalie Chaline, conseillère de Brest Métropole déléguée à l’alimentation durable, des circuits courts et du Projet Alimentaire de Territoire ; Ludovic Brossard, conseiller municipal à la ville de Rennes délégué à l’Agriculture Urbaine et à l’Alimentation Durable ; Monique Lucas, adjointe à la mairie de Saint-Brieuc chargée de la démocratie permanente et des budgets participatifs.
Cette session essentiellement vouée à l’interconnaissance entre élus sera suivie de rencontres directes lorsque l’état sanitaire le permettra.
Plénière 1 : « L’état des systèmes alimentaires au coeur d’une crise pandémique »
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La première session thématique avait pour but de partager les enseignements à tirer de la pandémie, tant sur le plan des effets qu’elle induit que des actions prises pour répondre aux plus néfastes d’entre eux. L’ensemble des contributions met en évidence deux phénomènes observés partout. D’abord, l’aggravation de la précarité alimentaire dans les ménages les plus fragiles. Partout, les situations de détresse ont augmenté de façon notable, jusqu’à rendre les ménages dépendants de dispositifs d’aide. Ensuite, la mobilisation des ressources du territoire a constitué un recours essentiel, tant pour fournir des aliments que pour organiser le secours vers les plus fragiles.
Des constats et des réactions comparables ont été observés en Argentine (Clara Craviotti : chercheure du Conseil National de la Recherche Scientifique et Technique – CONICET – au Centre d’Etudes de Sociologie du Travail, Université de Buenos Aires – CESOT-UBA), au Brésil (Moacir Darolt : chercheur au centre d’expérimentation pour l’agro-écologie du Parana), au Burkina Faso (Évelyne Compaoré Sawadogo et Soulama Soungalo : Docteurs à l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles) ou en France (Gilles Maréchal : chercheur associé au laboratoire Espaces et Sociétés, CNRS). La société civile y a joué un rôle de premier plan pour apporter des solutions inédites, qui perdurent.
Au-delà des solutions locales et improvisées dans l’urgence, la crise permet de reconsidérer des politiques d’ensemble, en cours de gestation. C’est ce que nous ont montré Dominique Barjolle (directrice de recherche à l’institut polytechnique de Lausanne, Suisse) sur le système suisse entre sécurité, autonomie et souveraineté alimentaire et Terry Marsden (chercheur à l’Université de Cardiff, Pays de Galles) sur la proposition « un système alimentaire gallois construit pour les générations futures ». Pour la France, le député Guillaume Garot, Président du Conseil National de l’Alimentation, propose une « couverture alimentaire universelle pour reconnaître la faim comme un risque social »
Plénière 2 : « La résilience des systèmes alimentaires dans l’actualité »
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Même avant la pandémie de la Covid-19, le terme de résilience alimentaire commençait à se diffuser avec des acceptions différentes et parfois édulcorées. Le coronavirus est venu illustrer un type de crise que le concept de résilience invite à affronter, même si la dégradation systémique de notre capacité alimentaire est aussi inquiétante.
Stéphane Linou (expert sur la résilience alimentaire et auteur d’un ouvrage sur le sujet) est venu présenter les contours de ce concept et ses implications dans la vie de la cité. Le Sénateur Joël Labbé s’en est inspiré pour proposer au Sénat une résolution « Résilience alimentaire des territoires et sécurité nationale » dont il a décrit les objectifs et le contenu. Lucile Gicquel, membre active de l’association Les Greniers d’Abondance, propose des outils de réflexion et un simulateur en ligne pour asseoir l’action locale. Luc Bodiguel (directeur de recherche au laboratoire Droit et changement social de l’université de Nantes, CNRS) a expliqué comment elle peut trouver des fondements juridiques, avec une intervention intitulée « La résilience, un objet juridique non identifié ? ». L’association Résolis, représentée par Marie Cosse (Chargée de mission du Programme Alimentation responsable) et Henri Rouillé d’’Orfeuil (Ingénieur agronome et docteur en économie) illustre ces approches par le cas des villes de France Urbaine pendant la pandémie.
Atelier 1 : La place de la restauration collective dans la résilience
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Le succès de cette thématique a amené à le diviser en 2 sous-ateliers
Sous-atelier 1 : Ce premier atelier a principalement regroupé les acteurs du territoire briochin. Les pratiques de la restauration collective sont en profonde évolution. Comment y intégrer une recherche de résilience ? La qualité des produits dans la restauration collective avec l’introduction de la bio a été traitée par Jean-Luc Pennec (gérant de la cuisine centrale de Saint-Brieuc) et Agathe Perrin (chargée restauration collective et circuits courts MAB22). Gilles Daveau (formateur, auteur et conférencier, spécialiste de cuisine biologique et alternative) a présenté sa vision pour « enrichir les menus et contribuer à valoriser les cantines avec une plus grande diversité végétale ». L’adaptation de la restauration collective lors du 1er confinement a été illustrée par Soïzic Allano (ancienne adjointe aux affaires sociales de Langueux) et Émilie Küchel (adjointe à la politique éducative locale de la ville et présidente du réseau des villes éducatrices) et la lutte contre le gaspillage par Pascale Doussinault (arboricultrice).
Sous-atelier 2 : Le second sous-atelier abordait de façon plus générale les impacts de la crise sur les cantines scolaires et les réponses qui y ont été données. Celles-ci les ont parfois amenées à sortir de leur champ d’action habituel. C’est ce qu’ont montré Laurent Terrasson (directeur de la publication de « l’autre cuisine ») et François Mauvais (Président de « cantines responsables). Ludovic Brossard (conseiller municipal de Rennes délégué à l’Agriculture urbaine et à l’alimentation durable) et Christophe Gadby (responsable de la cuisine centrale de Rennes) ont insisté sur leur rôle dans le traitement des précarités alimentaires.
Atelier 2 : L’agriculture urbaine pour la résilience des villes
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L’autonomie des villes en nourriture se compte en jours. En cas de choc systémique conséquent, des tensions entre ruraux et urbains sont à envisager. Si l’agriculture urbaine n’est pas une solution miracle, elle regroupe un ensemble de formes d’agricultures localisées en ville ou à leur périphérie qui ne sont pas à négliger. Caractérisée par sa multifonctionnalité, elle vise à répondre conjointement à des enjeux sociaux, environnementaux, économiques et territoriaux.
Violette L’Hommedé (coordinatrice et animatrice de l’association Vert le Jardin) décrit le rôle social que peut jouer l’agriculture urbaine en présentant un atelier de cuisine anti-gaspi mené par Vert le Jardin dans les Côtes d’Armor. Le groupe de recherche et d’intervention sur l’agriculture urbaine, représenté par Christine Aubry, Giulia Giacché et Fanny Provent, décrit de façon plus générale comment l’agriculture urbaine peut contribuer à la résilience des villes.
Cet atelier a été répercuté en présentiel à Ouagadougou (Burkina Faso), très dynamique dans le domaine de l’agriculture urbaine.
Atelier 3 : Les initiatives citoyennes pour la résilience alimentaire
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Les précédents forums des systèmes alimentaires territorialisés, en 2016 et 2018 au Brésil, en 2019 au Burkina Faso, avaient montré comment les systèmes alimentaires territoriaux sont dynamisés par la créativité de la société civile : AMAP, associations de secours alimentaires, groupements d’achats, supermarchés coopératifs, sites de commande… La crise COVID19 a démultiplié cet effet et démontré une nouvelle fois l’intérêt social de ces initiatives. Quels sont les orientations actuelles ? Comment ces initiatives contribuent-elles à la résilience territoriale ?
Frédérique Lanon, pour les AMAP d’Armorique, a présenté la réflexion des AMAP sur la question de la résilience et les questionnements que ce sujet introduit pour l’évolution de leurs pratiques. Elle rejoint celle développée au Brésil au sein de rede ecologica (réseau écologique) dont l’association avec le Mouvement des Sans-Terre vise la résilience par le développement de l’agro-écologie. Annick Josset, pour l’association Voisins de Paniers dans les Côtes d’Armor illustre l’ancienneté de l’action de la société civile en revenant sur l’histoire de ce collectif depuis 2004. L’attention portée aux ménages à bas revenus est centrale pour le le projet « une alimentation de qualité accessible à toutes et à tous » mené à Rennes dans le quartier de Villejean, présenté par Cécile Nicolas. Melaine Ferragu, de l’association-Breizh’i Potes, décrit l’initiative Breizhicoop de supermarché coopératif, traversé par des réflexions sur l’échelle de leur action pour rendre les prix accessibles à tous, tout en gardant une dimension humaine. Anaël Fièvre, pour Alternatiba Rennes, montre à travers l’exemple de la mobilisation citoyenne contre le centre commercial Open Sky de Pacé un autre registre d’action pour préserver notre capacité collective à nous nourrir.
Ateliers 4 & 5 : La résilience dans la production agricole et les systèmes hydriques
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L’activité agricole est particulièrement sensible au dérèglement climatique et contribue à le renforcer. Elle est aussi soumise à d’autres vulnérabilités comme la dépendance aux importations / exportations. Quels systèmes agricoles peuvent être mis en place pour résister aux changements climatiques tout en limitant les impacts globaux ? Pour satisfaire quels besoins ? Quel degré d’autonomie ou de souveraineté est-il souhaitable et possible ?
L’accès aux ressources en eau de qualité est un facteur essentiel de résilience, tant pour les personnes que pour les activités agricoles. Indispensable à la production des ressources alimentaires, l’eau est principalement utilisée à l’échelle mondiale par l’agriculture, qui en consomme 60 %. Dans une optique de résilience, l’accès à l’eau de qualité et en quantité suffisante est potentiellement une source de conflits majeurs.
Sylvain Deffontaines (responsable du programme AGRITER à Agrisud) est d’abord venu dresser un tour d’horizon de « la vulnérabilité des systèmes alimentaires du Sud » avec les constats et les solutions établis à l’échelle internationale. Fernand Etiemble a présenté l’expérience de la Collectivité Eau du Bassin Rennais (CEBR) pour préserver la qualité de l’approvisionnement en eau des habitants de la métropole. La CEBR relie son action locale à l’international et Flavie Boukhenoufa, vice-présidente en charge de la coopération internationale, a montré comment elle poursuit sa logique avec la ville de Beitunia (Palestine). Pour finir, Catherine Darrot, Maître de conférence en sociologie rurale à AgroCampus Ouest (Rennes), a présenté les menaces globales qui pèsent sur les productions et les systèmes agricoles.
Atelier 6 : Pour des réponses à court terme et une vision de la résilience à long terme
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Le débat entre acteurs de l’urgence et intervenants « développementistes » est ancien. La notion de résilience permet de l’aborder sous un autre jour, en exigeant que les mesures de prévention et de mitigation locales et de court terme ne compromettent pas les actions globales et de long terme.
Hripsimé Torossian et Stéphane Linou, experts en résilience alimentaire, accompagné de Pierre Mongin, spécialiste de l’expression par cartes mentales, ont proposé une séance de réflexion collective autour de la notion de « plan de continuité alimentaire ». Les participants ont pu construire ensemble, en petits groupes, une vision partagée des manières d’assurer la résilience d’un territoire.
Atelier 7 : Transport de marchandises à la voile : Enjeux et perspectives pour la résilience des territoires
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Le transport de produits alimentaires à la voile est un instrument de résilience globale par la diminution de l’impact carbone. Par ailleurs, le cabotage permet une maîtrise locale des transports. Comment valoriser au mieux ce mode de transport décarboné ? Quelles fonctions peut-il remplir ?
Atelier 8 : La place de la souveraineté médicinale dans la résilience
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La recherche effrénée d’un vaccin ou d’un traitement pour lutter contre la pandémie du coronavirus a mis en lumière l’existence de réponses aux maladies basées sur des ressources et des savoir-faire locaux. Ceux-ci sont cruciaux dans les pays du sud où la pharmacopée occidentale est peu disponible. Comment s’organiser pour les inscrire dans une logique de résilience, préventive et curative ?
La résilience médicinale est un processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur santé malgré des perturbations exogènes (crise climatique, sanitaire, économique), permettant ainsi de l’améliorer. Michel Pidoux, biologiste et expert des huiles essentielles Malgaches a souligné l’importance de se ré-approprier sa propre santé et celle de sa communauté afin de tendre vers une meilleure résilience médicinale. Évelyne Kantiono, responsable des formations « santé » à l’association Jardins du Monde a mis en exergue la réalité d’accès aux soins au Burkina Faso. Pour finir, Saïfoulaye Kanon, responsable production à l’association Jardins du Monde a insisté sur la préservation des milieux pour un meilleur accès aux ressources et l’importance de la valorisation des plantes médicinales dans la santé communautaire au Burkina Faso.
Cet atelier s’est simultanément déroulé à travers l’outil numérique ZOOM et en présentiel à Ouagadoguou, Burkina Faso.
Atelier 9 : Le foncier, l’installation et la transmission en agriculture pour le renouvellement des générations
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L’essor des initiatives alimentaires locales axées sur la résilience réclame de nouveaux emplois. Il faut pour cela que les producteur-rice-s en place soient ouvert-e-s à une transmission qui ne se limite pas à reproduire leurs pratiques. L’accès au foncier est un facteur limitant partout, avec une situation extrême au Brésil. Comment les candidats à l’installation peuvent-ils s’appuyer sur les agriculteurs en place ? Quelles solutions existent-elles pour accéder à la terre ?